TANGER, MA VILLE, MON CORPS ET MON ÂME

Yassine a 23 ans, il est né à Tanger, a étudié à Tanger, travaille à Tanger.
Sa formation universitaire lui a permis d’obtenir un job de développeur-web dans une startup de la ville passant d’un projet à un autre pour des clients américains et canadiens.
Début de journée 10h, 45mn de trajet, 1h de pause, fin du « taff » 19h, 8h d’écrans non stop, aujourd’hui par chance en télétravail. C’est alimentaire.
Yassine aime sa ville même s’il est critique et lui reproche d’offrir peu d’opportunités pour les jeunes. Au Maroc, le gouvernement ne jure que par « Casa », Rabat ou Marrakech et investit peu ailleurs, tant sur le plan économique que sportif et culturel.
Qu’à cela ne tienne, « j’aime ma ville, je l’investis, je la danse, je tente, j’embarque … qui veut me suivre ?», Yassine prend sa vie en mains.
Yassine a une revanche à prendre et Tanger est son terrain de jeu.
Handicapé et opéré d’un pied bot à l’enfance, Yassine a été prévenu, « tu ne feras jamais de sport, oublis le football, ménage tes jambes ».
Comme un défi, Yassine fera mentir ses médecins.
Il s’initie au « parcours » et devient « traçeur » de 2014 à 2019, courant Tanger à la verticale.
Puis, la danse l’attire comme un aimant, break, classique, contemporaine, elle devient le cœur de sa vie, sa passion. YAPAC est son nom de scène, Il gagne des concours, intègre une troupe un court moment, participe à la résidence artistique DATI DROUK 1 an à Rabat et revient à Tanger.
« Le mouvement est une gratitude, c’est ma force ».
Il adapte les figures de break à son handicap, explore, essaie, se trompe, recommence, rate, réussis, repart …
S’il ne travaille pas, Yassine danse, tous les jours, chaque minute, dans la rue, partout à Tanger.
En dansant, il observe sa ville, le port, ses ruelles blanches, les Mosquées qui l’appellent chaque vendredi, ses façades, ses touristes, ses 14 kilomètres qui la sépare de l’Europe, qui dit-il ne lui fait aucune envie. «moi je rêve d’aller en Afrique noire ou au Brésil … là où on danse vraiment ».
« Ici et là, face à la mer, je me repose, je me pose, je médite longuement pour connecter mon corps avec ma tête ».
Aujourd’hui, Yassine a besoin de transmettre, de partager sa passion.
Ce soir, je retrouve Yassine au Cinéma Rif, « the place to be ».
Yassine embarque quelques jeunes tangérois pour les initier à la danse et les former, parce qu’ici aucune structure associative n’offre cette possibilité.
Dans la rue, sur une place ou un parvis, Yassine et ses élèves improvisent une scène, posent leur enceinte, enchainent les figures, se corrigent, rient, se moquent, progressent sous les yeux parfois éblouis, souvent indifférents des passants.
Leurs sourires en disent long sur le plaisir qu’ils partagent.
23h, fin de la séance, étirements, embrassades … « on se retrouve demain ? même lieu même heure ? »
Demain, 10h, Yassine quitte son appartement, 45 mn de trajet, 8 heures d’écrans, de nouveaux projets informatiques, les mains courent sur le clavier …..
« J’ai pris ma revanche, Tanger tu es ma scène ».































Reportage réalisé dans le cadre du Workshop "Face  La Mer" @HANSLUCAS à TANGER le 5 octobre 2025.
Remerciements à
Yassine El Atlassi (aka YAPAC),
Mina, Wilfrid, Lorenzo, Dimitri, Thomas, Marc, Claire, Blandine, Rizlane, Eric et les équipes du Dar Nour.